Le changement climatique en Tunisie

Le climat en Tunisie

Plusieurs zones climatiques se succèdent du nord au sud de la Tunisie : subhumide à l’extrême Nord, semi-aride au Nord-Ouest et au Cap Bon, aride dans la Tunisie centrale et saharien pour tout le Sud.

Etage bioclimatique en Tunisie

Le volume de précipitations annuelles y est faible, très variable sur l’année et avec une répartition spatiale très contrastée. Sur l’ensemble du pays, les précipitations moyennes annuelles sont de 158 mm/an : moins de 100 mm/an au Sud, et plus de 700 mm/an au Nord

Les températures moyennes annuelles sont élevées, entre 16°C et 20°C. Au Nord, les températures peuvent aller de 10°C en hiver (décembre à février) à 27°C en été (juin à août), tandis qu’au Centre et au Sud les températures s’étendent de 11°C en hiver à 32°C en été.

Les sècheresses peuvent être fréquentes dans les zones semi-arides et arides tandis que les littoraux font face aux inondations liées à des situations météorologiques particulières très locales.

Les inondations de septembre 2018 à Nabeul
 
Evolution du climat de la Tunisie

Climat passé

Les observations sur les 40 dernières années (1978-2012) ont montré :

-une tendance significative à la hausse des températures maximales, moyennes et minimales annuelles d’environ 2,1°C, avec des disparités régionales ;

-une légère tendance, non significative, à la hausse pour les cumuls de précipitations.

Evolution du nombre de jours chauds par an (source : INM)

Climat futur

Les projections climatiques aux horizons 2050 et 2100, en considérant l’ensemble des modèles, montrent une augmentation de la température moyenne annuelle :

-variant de 1°C à 1,8°C à l’horizon 2050 et de 2°C à 3°C à la fin du siècle, pour le scénario RCP 4.5 ;

-variant de 2°C à 2,3°C à l’horizon 2050 et de 4,1°C et 5,2°C à la fin du siècle, pour le scénario RCP 8.5.

Les simulations de l’ensemble des modèles montrent une diminution nette des précipitations moyennes annuelles aux horizons 2050 et 2100 :

-de 5 % à 10 % en 2050, qui s’aggraverait encore en fin de siècle avec une diminution de 5 % à 20 % en 2100, pour le scénario RCP 4.5 ;

-de 1 % à 14 % en 2050, et de 18 % à 27 % en 2100 pour le scénario RCP 8.5.

Les impacts du changement climatique en Tunisie

-Sur les ressources en eau : la baisse des précipitations, l’augmentation des températures, l’augmentation de l’intensité et de la fréquence des périodes sèches et l’augmentation de l’évapotranspiration ont un impact direct sur les ressources en eaux : les sols s’assèchent et les stocks d’eaux de surfaces et souterraines diminuent, ce qui implique une baisse globale des ressources en eaux.

-Sur l’agriculture et les écosystèmes :   les rendements des cultures irriguées et pluviales sont menacés suite à la diminution des ressources en eau. L’augmentation des périodes de sècheresse induirait une recrudescence des incendies de forêt ayant pour conséquence, une dégradation et perte accrue de la biodiversité. La réduction des ressources fourragères naturelles impacterait la durabilité du pastoralisme. Les zones humides se verraient également menacées par l’augmentation des phénomènes de salinisation et d’eutrophisation.

-Sur les littoraux : l’élévation du niveau de la mer menace plus de 3000 hectares de zones urbaines et industrielles. Certaines pratiques de pêche se voient également menacées. L’élévation du niveau de la mer, ainsi que la hausse des températures et l’augmentation de la salinité des eaux amplifierait également la dégradation des habitats écologiques situés sur les côtes Tunisiennes.

-Sur le tourisme : les changements climatiques, et notamment l’augmentation des températures, induiraient une modification des saisons et des régions propices au tourisme.

Le littoral constituant une ressource touristique fondamentale, court un risque majeur induit par l’élévation du niveau de la mer.

-Sur la santé : le changement du régime des pluies et des températures pourrait engendrer la modification de la répartition géographique des insectes vecteurs de plusieurs maladies virales, tels que les moustiques ou les phlébotomes. La baisse des ressources en eau induirait une augmentation des maladies hydriques : un accès plus difficile à l’eau potable, au réseau d’assainissement et à l’hygiène provoquerait une recrudescence de micro-organismes pathogènes. Des maladies respiratoires pourraient être favorisées par l’augmentation des vagues de chaleur et la dégradation de la qualité de l’air. Un déséquilibre des ressources en eau, des écosystèmes et des agrosystèmes liés à l’augmentation d’évènements climatiques extrêmes pourrait avoir des répercussions importantes sur la sécurité alimentaire dans le pays, provoquant une augmentation du nombre de personnes atteintes de malnutrition.

Mesures d’atténuation
Engagements de la Tunisie au titre de l’accord de Paris

Conformément à ses engagements au titre de l’Accord de Paris sur le climat, la Tunisie a soumis, en Aout 2015, sa Contribution Déterminée au niveau National (CDN en anglais NDC: Nationally Determined Contribution).

La contribution inconditionnelle de la Tunisie à l’atténuation des émissions de GES correspondrait à une baisse de son intensité carbone de 13% par rapport à celle de l’année de base 2010. Quant à sa contribution conditionnelle, sous réserve de la disponibilité des ressources financières, elle permettrait une baisse additionnelle de 28%, soit une baisse totale de son intensité carbone de 41 %.

Trajectoire de la contribution conditionnelle et inconditionnelle de la Tunisie sur la période 2015‐2030
 

Ces engagements de la Tunisie en termes d’intensité carbone se traduiraient par des émissions de GES évitées et cumulées de l’ordre 207 MteCO2 sur la période 2015‐2030 dont 52 MteCO2 serait de manière inconditionnelle et 155 MteCO2 conditionnée par l’appui de la communauté internationale.

Analyse globale

A l’horizon 2030, le secteur de l’énergie (18,9 millions de téCO2) serait la première source d’atténuation des GES. La contribution de la gestion des déchets viendrait en seconde place avec 3,3 millions de téCO2, suivie par le secteur de la Forêt et Autres utilisations des Terres (FAT) avec 2,2 millions de téCO2 d’absorption.

En revanche, c’est le secteur des déchets qui présente la baisse des émissions la plus importante par rapport au Business as usual (BaU) qui serait de 43% en 2030. Il est suivi du secteur de l’énergie (38%) et de celui des forêts et changement d’affectation des terres (23 %).

Le secteur de l’énergie: la principale source d’atténuation des émissions de GES en Tunisie

Le secteur de l’énergie est incontestablement la principale source d’atténuation des émissions de GES en Tunisie. Il présente un potentiel de réduction des émissions de GES de 18,9 millions de téCO2 en 2030 par rapport au BaU. Pour atteindre cet objectif deux familles de mesures sont prévues :

L’atténuation par l’efficacité énergétique

Les mesures prévues en matière d’efficacité énergétique sont réparties au niveau :

1-Du Secteur Industriel: à travers la Réalisation de 70 contrats‐programmes/an sur la période 2015‐2030, la généralisation progressive de l’approche basée sur le Système de Management de l’Energie (ISO 50001) et l’installation de 570 MW de cogénération entre 2015 et 2030, soit 70% du potentiel en 2030.

2-Secteur des bâtiments tertiaires et résidentiels: à travers i- l’installation de 170 MW de cogénération et trigénération, ii- le remplacement progressif des lampes à incandescence par des LED, iii- le renforcement de l’efficacité énergétique pour les appareils électroménagers, et iv- le lancement du programme PROMO‐ISOL pour l’isolation de 1.850.000 logements sur la période 2015‐2030, etc.

3-Secteur des Transports : à travers la réalisation de 77 contrats‐programmes/an par an sur la période 2015‐2030, la mise en place de systèmes de Management de l’énergie (ISO 50001) et la mise en œuvre des Plan de Déplacements Urbains (PDU) dans 15 villes tunisiennes de plus de 100.000 habitants.

4- Eclairage public: à travers la généralisation de l’installation des variateurs de puissance pour couvrir tout le réseau d’éclairage public national et le remplacement progressif des lampes HPL par des lampes SHP (500.000 SHP jusqu’à 2020)

La mise en œuvre de ces mesures permettrait de réduire les émissions d’environ 11,2 MtCO2 à l’horizon 2030 par rapport au BaU, à hauteur de 56% de l’efficacité énergétique dans les bâtiments, 32% dans l’industrie et 11% dans le transport.

L’atténuation par les énergies renouvelables (ER)

Les principales mesures sont celle prévues dans le cadre du Plan Solaire Tunisien qui focalise sur la production d’électricité par les énergies renouvelables ainsi que le développement de l’eau chaude sanitaire solaire, essentiellement dans les bâtiments.

1-Le Plan Solaire Tunisien : Il vise à faire progresser significativement la part des ER dans la production d’électricité de 4% en 2015 à 14% en 2020 et à 30% en 2030. Pour atteindre ces objectifs, une capacité d’environ 3800 MW d’ER devrait être installée à l’horizon 2030.

2-Le Solaire thermique pour l’eau chaude sanitaire : L’objectif serait d’atteindre un parc installé d’environ 220 m² de capteurs par 1000 habitants, en 2030, contre 73m² en 2015.

Les Procédés industriels

Les émissions des procédés industriels sont essentiellement dominées par celles dues au secteur cimentier (73%). En revanche, les émissions des industries de la céramique (14%), la production d’acide nitrique (5,3%) l’usage de gaz fluorés (4,8%) et autres sont relativement faibles.

Le secteur cimentier est le seul à avoir fait l’objet d’une étude spécifique d’atténuation des GES (2013‐2014) qui a permis d’identifier quatre mesures : (i) Efficacité énergétique, (ii) Energies renouvelables, (iii) co‐incinération des déchets solides, (iv) Segmentation du marché du ciment en vue des réduire les émissions dues aux procédés.

L’atténuation dans le secteur de l’Agriculture, Forêt et des Autres utilisations des Terres (AFAT)

i.10 Actions d’atténuation dans le secteur de la forêt et du changement d’utilisation des terres : Action 1: Plantations forestières, Action 2: Densification des forets, Action 3: Régénération artificielle des forêts, Action 4: Plantations pastorales par des arbustes ligneux fourragers, Action 5: Consolidation des ouvrages des CES par les plantations forestières, Action 6: Consolidation des ouvrages de CES par les plantations d'oliviers, Action 7: Consolidation des ouvrages des CES par des plantations d'arbres fruitiers autres que l’olivier, Action 8: Amélioration des parcours par des plantations de Cactus (Opuntia ficus indica), Action 9: Amélioration pastorale par resémis et plantation d'espèces fourragères pluriannuelles et annuelles, et Action 10: Réduction des émissions de GES de la filière carbonisation.

ii.9 Actions d’atténuation dans le secteur de l’agriculture: Action 1: Additifs rations ruminants et amélioration de la productivité de l'élevage (CH4 entérique), Action 2: Introduction d'une proportion de fientes de volaille dans les procédés de compostage en vue de les valoriser en fumier, Action 3: Valorisation énergétique des fientes, Action 4: Valorisation énergétique du fumier bovin, Action 5: Agriculture de Conservation (AC), Action 6: Agriculture Biologique (AB), Action 7: Renforcement de la part des légumineuses en grands cultures, Action 8: Optimisation de l'utilisation des engrais minéraux de synthèse et Action 9: Valorisation énergétique des margines

L’atténuation dans le secteur des déchets

En 2010, les déchets ont contribué par 2,7 millions de téCO2, soit 6% des émissions nationales brutes de GES dont 71% des émissions sont imputables aux déchets solides contre 29 % pour les déchets liquides.

Quant à l’atténuation des émissions de GES au niveau des déchets liquides, elle concerne 5 mesures relatives à l’assainissement (eaux usées industrielles et énergie), identifiées au niveau de l’ONAS en 2013‐2014.

Ressources financières nécessaires

Les besoins financiers additionnels pour mettre en œuvre cette CDN tunisiennes sont aux environs de 20 milliards US$. L’atténuation des émissions de GES nécessiterait la mobilisation de près de 18 milliards US$ alors que les coûts incrémentaux des mesures d’adaptation aux effets néfastes des CCs s’élèveraient à environ 2 milliards de dollars.

Mesures d’adaptation prévues en Tunisie

La Tunisie est vulnérable face au changement climatique : baisse des ressources en eau, augmentation du niveau de la mer, sécheresse etc. La Tunisie a prévu de mettre en place des mesures d’adaptation dans 6 secteurs et écosystèmes clés :

Ressources en eau : transférer et réutiliser les eaux usées traitées et améliorer et sécuriser les ressources en eau des grandes villes

Littoral : réhabilitation des littoraux et prévention de l’érosion

Agriculture : adapter les cultures irriguées dans les régions centrales, mettre à jour la carte des cultures en tenant compte des effets du changement climatique, mettre en place un système de surveillance des intempéries

Ecosystèmes : réhabilitation des pépinières forestières, gestion holistique des forêts de chêne-liège dans les zones à fort risque d’incendies, management des terres arables dégradées dans les régions du centre et du sud.

Tourisme : Restauration des littoraux et protection des zones touristiques, développement de service alternatif au tourisme balnéaire, lancement et promotion du concept d’hôtels écologiques

Santé : Prévention de la prolifération des maladies respiratoires liées au changement climatique, introduction d’un programme d’adaptation du système de santé au changement climatique

 

Lien vers le site de l’Organisation Mondiale de Météorologie :

https://public.wmo.int/fr

Lien vers le site du Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat

https://www.ipcc.ch/

Références